Un désastre en devenir?
Difficile de ne pas revenir sur la vaccination avec les récents développements dans le dossier des voyageurs transfrontaliers.
En octobre dernier, les États-Unis ont annoncé leur intention d’exiger, dès janvier prochain, que les camionneurs qui traversent la frontière prouvent qu’ils sont doublement vaccinés.
Les principaux médias des États-Unis rapportent aujourd’hui que les camionneurs canadiens qui traversent la frontière américaine devront présenter une preuve de vaccination à partir du 22 janvier 2022. «Bien qu’aucun communiqué officiel n’ait été publié par Washington, la date du 22 janvier semble coïncider avec l’expiration des exemptions américaines actuelles pour les camionneurs canadiens qui traversent le pays, qui se terminent le 21 janvier», explique l’Alliance canadienne du camionnage (ACC) par communiqué.
«Collectivement, cela pourrait signifier la perte de 38 000 camionneurs dans le segment du transport transfrontalier», a estimé l’ACC.
Vendredi dernier, le gouvernement du Canada a annoncé qu’à compter du 15 janvier 2022, «certains groupes de voyageurs actuellement exempts de certaines exigences relatives à l’entrée au Canada ne seront admis au pays qu’une fois entièrement vaccinés au moyen d’un des vaccins approuvés pour l’entrée au Canada». Parmi ces groupes se trouvent, écrit noir sur blanc, «les fournisseurs de services essentiels, y compris les camionneurs».
«Ce sera un désastre», prévoit Wendell Erb, président et chef de la direction de Erb Group. «Malheureusement, les personnes qui ne sont pas vaccinées n’ont aucune intention de se faire vacciner et je manque déjà de camionneurs», dit-il.
La Truckload Carriers Associations (TCA) était de passage de notre côté de la frontière la semaine dernière, alors qu’elle tenait à Brampton, en Ontario, sa rencontre canadienne annuelle.
«L’obligation de vaccination américaine, si elle est adoptée telle qu’elle est proposée, changerait la donne et aurait un effet désastreux sur la capacité de camionnage », a lancé David Heller, vice-président des affaires gouvernementales de la Truckload Carriers Association (TCA). L’obligation exigerait que les employeurs américains comptant plus de 100 employés rendent les vaccins obligatoires.
Selon M. Heller, seulement 50 % des conducteurs américains sont vaccinés, et environ 62 % de ceux qui ne le sont pas déclarent qu’ils ne se feront vacciner sous aucun prétexte, rapporte mon collègue James Menzies de trucknews.com. Ils pourraient quitter le secteur, ou quitter les grands transporteurs pour travailler pour ceux qui comptent moins de 100 employés. Cela signifie que l’obligation pourrait potentiellement éliminer jusqu’à 37 % de la main-d’œuvre des conducteurs professionnels aux États-Unis.
«Si cela devait entrer en vigueur et que 37 % de l’industrie partait, imaginez les files d’attente dans les stations-service et les magasins locaux. Même si nous perdions 1 à 2 % des conducteurs sur ce marché en raison de l’obligation de vaccination, les problèmes seraient énormes.»
M. Heller garde espoir que «le sang-froid prévaudra». Il a fait remarquer que 27 États ont intenté une poursuite en justice concernant la proposition fédérale et que d’autres secteurs que celui du camionnage font pression. La cour d’appel des États-Unis pour la cinquième circonscription a accepté une demande de suspension de l’obligation de vaccination. M. Heller a indiqué que le secrétaire américain au travail, Marty Walsh, a aussi laissé entendre, verbalement, que les camionneurs en «solo» seraient exemptés.
M. Heller a dit aux transporteurs qu’il est confiant que l’obligation de vaccination ne soit pas adoptée, mais leur a recommandé de se préparer au pire.
Alain Bédard, PDG de TFI International, a déclaré que les conducteurs canadiens de sa flotte semblent plus disposés que leurs homologues américains à se faire vacciner. «Du côté canadien, nous nous en sortons très bien. Le problème n’est pas aussi grave au Canada qu’aux États-Unis», a-t-il indiqué lors d’une conférence téléphonique avec des analystes financiers.
L’ACC indique que de nombreuses flottes déclarent que près de 85 à 90 % de leurs conducteurs sont adéquatement vaccinés. Mais cela peut varier selon la juridiction, tout comme les taux de vaccination de la population générale.
«Nous avons essayé d’éduquer notre population. Nous faisons la promotion du vaccin, mais nous ne pouvons forcer personne. Il fera partie de l’inconnu de 2022. Quelle va être la réaction du client, la réaction des employés? C’est déjà difficile de trouver des chauffeurs, des gens de quai… Alors maintenant, l’obligation de vaccination va être un caillou de plus dans notre chaussure», constate Alain Bédard.
Sur ce, je vous souhaite une bonne lecture de nos nouveautés.
Steve Bouchard
Rédacteur en chef, transportroutier.ca