Les constructeurs de camions s’alignent sur la voie de la décarbonation
C’était un spectacle particulier : les dirigeants de cinq constructeurs de poids lourds partageant la même scène. Et une expérience tout aussi singulière : ils étaient pour la plupart d’accord sur toutes les questions abordées lors d’une table ronde de l’ACT Expo.
Tous ont insisté sur la nécessité de continuer à stimuler le développement de l’infrastructure de recharge des véhicules électriques. Et cela ne se limite pas aux bornes elles-mêmes.

«L’infrastructure est un terme très large», a déclaré Jonathan Randall, président de Mack Trucks North America. Il a fait remarquer qu’il s’étend au-delà des bornes, soit au réseau et à la manière dont l’électricité passe du réseau au point de charge. C’est un aspect dont les constructeurs de camions n’ont jamais eu à se préoccuper. Aujourd’hui, a-t-il dit, les discussions avec les clients sur les exigences en matière d’infrastructure précèdent toute discussion sur la vente du camion lui-même.
John O’Leary, président de Daimler Truck North America, a reconnu que le déploiement de l’infrastructure de recharge ne progressait pas assez rapidement et que les fabricants s’étaient depuis réunis dans le cadre de la collaboration Powering America’s Commercial Transportation (PACT).
«Nous voulons participer à la résolution de ce problème d’infrastructure», a-t-il affirmé. «Si on laissait faire, les choses n’iraient pas assez vite.»
«Nous ne parlerons jamais assez de l’infrastructure», a indiqué Jason Skoog, directeur général de Peterbilt et vice-président de Paccar. Il a ensuite exhorté les participants à aborder les besoins en infrastructures de recharge avec les décideurs à chaque fois que l’occasion se présente.
L’adoption des VE ralentit
Les constructeurs ont également reconnu que le rythme d’adoption des camions électriques ralentissait, en partie à cause du manque d’infrastructures de recharge publiques. M. O’Leary a fait remarquer qu’il y a cinq ans, «nous ne savions pas ce que nous faisions, nous savions simplement que nous devions faire quelque chose.»
Il y a eu quelques bonnes surprises, comme la collaboration entre les fabricants sur l’infrastructure de recharge et le développement des piles à combustible. «La collaboration que nous avons tous en tant qu’entreprises au niveau mondial et en Amérique du Nord est quelque chose qu’aucun d’entre nous n’aurait pu prévoir», a-t-il expliqué. «Elle nous a rapprochés en matière de développement de technologies et de coentreprises.»
Il a toutefois reconnu : «je pensais que la courbe d’adoption ne se serait pas aplatie comme elle l’a fait. Nous n’avions pas nécessairement prévu la nécessité d’une infrastructure et de facteurs limitatifs échappant à notre contrôle. Nous pensions que si nous construisions, ils viendraient, et nous avons découvert qu’il y avait plus de complexités à prendre en compte.»
Selon M. Randall, la technologie progresse comme on l’espérait, mais l’adoption est à la traîne.
«Notre exubérance était bien supérieure à la volonté du marché d’accepter cette technologie et de l’adopter», a-t-il précisé à propos de l’électrification. «Nous avions prévu une courbe d’adoption plus prononcée que celle que nous avons observée.»
Il a reconnu que l’industrie n’est pas encore parvenue à la parité, où un camion diesel peut être remplacé par un véhicule électrique dans la plupart des applications. «Nous n’y sommes pas encore, mais nous nous efforçons d’y parvenir», a-t-il souligné.
Néanmoins, tous les dirigeants s’accordent à dire que les flottes doivent commencer à se familiariser avec la technologie des camions carboneutres, sous peine d’être laissées pour compte.
Mathias Carlbaum, PDG de Navistar, a encouragé les flottes à choisir une petite partie de leur parc qui soit viable pour l’électrification et à commencer par là.
«Est-ce que c’est 5 % de votre flotte? Où pouvons-nous commencer? Où cela a-t-il un sens pour vos itinéraires, le réseau, l’État, le prix de l’électricité? C’est dans le cadre de ces conversations que la valeur ajoutée est la plus importante. Si vous n’y participez pas au fil du temps, il sera peut-être trop tard.»
«Vous ne pouvez pas attendre», a ajouté M. Skoog. «Si vous n’essayez pas ce qui est disponible aujourd’hui, vous serez en retard sur la courbe d’adoption. Essayez-en au moins un. Vous devez comprendre comment vous pouvez faire fonctionner cela dans votre application, car c’est la réalité, cela ne va pas disparaître. Il incombe à tous ceux qui gèrent une flotte de l’essayer, tout simplement.»
Selon M. Randall, les flottes doivent trouver une partie de leurs opérations dans laquelle les camions carboneutres peuvent fonctionner aujourd’hui, ou reconfigurer leurs opérations pour que cela fonctionne.
Chacun des constructeurs a déclaré que ses processus de fabrication ont été adaptés pour produire des véhicules électriques sur les mêmes chaînes de montage que leurs camions diesel.
«C’est un groupe motopropulseur différent qui est mis en place», a émis M. Skoog.
Dans le cas de Daimler, les camions électriques sont de plus en plus utilisés pour la logistique interne de ces usines.
«Nous avons pensé qu’il y avait là des enseignements importants à tirer pour les clients du point de vue des coûts et de l’exploitation», a affirmé M. O’Leary. «Nous pourrions nous mettre à la place de nos clients lorsqu’ils commencent à parler de coût total de possession insatisfaisant et d’autres choses de ce genre. Nous voulons pouvoir les regarder dans les yeux et leur dire que nous comprenons.»
Le diesel reste prédominant
Les panélistes sont également d’accord pour dire que le diesel n’est pas près de disparaître.
«Honnêtement, c’est le secteur du diesel qui paie pour tout cela», a indiqué M. O’Leary, ajoutant que 99% des camions vendus sont encore alimentés au diesel.
Mais Peter Voorhoeve, président de Volvo Trucks North America, a expliqué qu’il y avait beaucoup à faire pour décarboner même les camions fonctionnant au diesel.
«Si nous améliorons le rendement énergétique des moteurs diesel, l’impact sur le climat sera beaucoup, beaucoup plus important que l’introduction des véhicules électriques», a-t-il souligné, ajoutant que le moteur diesel actuel est 60 fois plus propre que ceux disponibles au début de ce siècle.
«Les moteurs à combustion interne continueront d’exister après 2050», a-t-il prédit, ajoutant que «nous pouvons nous demander quel type de carburant nous utiliserons. S’agira-t-il d’un carburant propre? Le moteur à combustion interne atteindra son 150e anniversaire, voire son 200e anniversaire.»
«Le secteur du diesel n’est pas mort», a reconnu M. Skoog.
M. Carlbaum a ajouté : «Nous devons simplement apporter la bonne solution au bon moment et au client». Selon lui, l’efficacité des moteurs diesel s’est améliorée de 1 % par an en moyenne au cours des 30 dernières années.
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