Je me souviens
Au milieu des années 60, les affaires de Canam Steel Works allaient bon train et l’usine d’acier de Saint-Gédéon, en Beauce, avait besoin de remorques pour livrer ses produits à sa clientèle grandissante. Mais voilà, les délais avant de les recevoir tournaient autour de six mois, et Canam ne pouvait pas attendre aussi longtemps. Mais l’acier se trouvait déjà dans sa cour, alors pourquoi pas les fabriquer, ces remorques? Vous connaissez le reste de l’histoire : c’est ainsi qu’en 1966, Marcel Dutil a fondé Manac, l’un des fleurons de l’économie québécoise.
C’est souvent comme ça ici : quand on a besoin de quelque chose qui n’existe pas ou qui n’est pas disponible, on le fabrique, tout simplement! N’est-ce pas ici qu’est né le mot «patenteux», synonyme d’ingénierie du quotidien? Le Québec compte sa large part de patenteux, d’ingénieux et d’ingénieurs.
La nécessité est la mère de l’invention. Canam avait besoin de remorques, Manac est née.
La Beauce, la région de l’érable, et donc de terres à bois, a aussi donné naissance à Deloupe, initialement fabricant de remorques forestières.
Le Temiscamingue est aussi une terre de forêts et le berceau de Temisko, dont les premières remorques étaient forestières.
Au Lac Saint-Jean, on trouve aussi la forêt, et Fericar, fabricant de remorques forestières, bien sûr!
Alutrec, qui fait maintenant de la famille Manac, a été fondée par Julien Nadeau à Sainte-Agathe-de-Lotbinière. Je me rappellerai toujours la fois où je m’étais rendu à l’usine, il y a 15 ou 20 ans, pour faire une entrevue avec M. Nadeau. J’ai attendu peut-être une vingtaine de minutes avant de commencer, alors qu’il déplaçait des châssis et d’autres pièces dans l’usine au volant d’un chariot élévateur. J’étais fasciné de le voir aller et je me rappelle m’être dit : nulle part ailleurs que dans le camionnage j’attendrais 20 minutes que le président d’une compagnie débarque de son chariot élévateur avant de commencer mon entrevue avec lui.
C’est ça le Québec : des innovateurs, des débrouillards, des entrepreneurs aussi à l’aise, sinon plus, derrière le volant d’un chariot élévateur ou d’un camion que dans leur bureau.
L’hydroélectricité est une autre des grandes richesses naturelles du Québec. L’affiliation entre le génie québécois et l’électromobilité est tout à fait naturelle.
En 1982, l’Institut de recherche d’Hydro-Québec (IREQ) a commencé à se pencher sur la conception d’un système qui est devenu ce que l’on appelle communément le moteur-roue, et dont la première version est apparue en 1991.

En 1998, TM4 Inc., située à Boucherville, a été créée afin de compléter le système de propulsion et de contrôle développé à l’IREQ et d’en entreprendre la commercialisation. C’est la même année qu’a été mis au point le premier générateur à aimant permanent de TM4.
En 2005, TM4 a conçu et livré un système hybride parallèle à un fabricant de camions lourds et d’autobus puis, en 2012, a présenté son groupe propulseur électrique SUMO HD, ciblant principalement les marchés du transport commercial et des autobus. En 2017, ce fut au tour de la série TM4 SUMO HP comprenant des moteurs/générateurs pour le marché des véhicules lourds commerciaux. TM4 fait maintenant partie de Dana Inc., un manufacturier réputé de l’industrie du camionnage.
Je me souviens à l’automne 2017 m’être présenté dans un local d’un parc industriel de Laval pour une entrevue. À l’arrière, dans un petit atelier aux airs de laboratoire, se trouvait un camion Isuzu pratiquement déshabillé et une panoplie de composants électroniques et de batteries. C’était chez Nordresa, une entreprise en démarrage à l’époque, qui développe, fabrique et commercialise des systèmes de propulsion électriques pour véhicules commerciaux. Nordresa fait aussi partie de Dana aujourd’hui.

Et il y a bien sûr Lion, le premier fabricant de camions de classe 8 au Québec, camions qui ont comme particularité d’être 100 pour cent électriques. L’entreprise s’est d’abord fait connaître pour ses autobus scolaires électriques et, maintenant, elle offre son camion urbain électrique Lion8 en configuration porteur, nacelle, de collecte de matières résiduelles, camion atelier et ambulance. Il est propulsé par le SUM0 HD de TMA4. Présentement, deux camions Lion8 collectent des matières résiduelles à Portland, dans l’État du Maine.
Voilà pour mon petit tour d’horizon manufacturier à saveur nationaliste en ce jour de la Saint-Jean! Je vous souhaite à tous une excellente fête nationale et une bonne lecture de nos nouveautés.
Steve Bouchard
Rédacteur en chef, transportroutier.ca