M. Russell ne serait pas content
Le regretté fondateur de Celadon, Stephen Russell, n’aimerait vraiment pas voir ce qu’il est advenu de sa compagnie, moins de trois ans après sa mort. Lui qui avait lancé l’entreprise en 1985 et l’avait amenée à un milliard de chiffre d’affaires quand il a quitté son poste de chef de la direction en 2015. Il était un homme très respecté, que j’ai eu l’honneur de rencontrer en 2008, alors qu’il était le conférencier d’honneur du salon Truck World de Toronto.
Son départ semble avoir sonné le début des déboires de Celadon, qui ont culminé avec des chauffeurs coincés aux quatre coins du continent la semaine dernière, leurs cartes de carburant bloquées, situation annonciatrice de la fermeture de la compagnie cette semaine pour se placer à l’abri de ses créanciers. Certains ont mis du carburant en payant de leur poche, leurs appels à la compagnie demeurant sans réponse. D’autres cherchaient des moyens de rentrer chez eux.
On parle d’une méga compagnie de camionnage et d’une éventuelle méga faillite. Celadon est une compagnie cotée en bourse affichant donc un chiffre d’affaires autour du milliard de dollars. Elle compte plus de 3 500 employés, exploite quelque 2 700 camions (5 000 en 2016) et affiche une dette d’environ 400 millions de dollars. Hyndman, une filiale de Celadon, possède un terminal à Lévis.
Les problèmes auraient commencé en coulisses en 2016, et les événements se sont précipités le 5 décembre dernier quand deux hauts dirigeants, l’ancien président William Meek et l’ancien directeur financier Bobby Peavley, ont été inculpés pour leur rôle présumé dans une fraude comptable complexe.
Une pluie d’accusations est tombée sur les anciens dirigeants de Celadon : fraude informatique, fraude bancaire, fraude en valeurs mobilières, complot en vue de faire de fausses déclarations comptables pour une entreprise publique et de falsifier les livres et autres, rapporte le magazine Transport Topics. La plainte civile allègue que les deux hommes ont tenté de dissimuler des pertes en établissant un stratagème d’achat et de vente de camions à des prix gonflés, dans certains cas, le double ou le triple de leur juste valeur marchande. Celadon aurait ensuite déposé de faux rapports financiers indiquant que la compagnie possédait des actifs valant au moins 20 millions de dollars de plus que ce qu’elle avait réellement.
En avril 2019, Celadon Group Inc. a accepté de payer 42,2 millions de dollars pour régler une enquête fédérale alléguant qu’une ancienne équipe de direction et une filiale auraient déposé des déclarations fausses et trompeuses auprès d’investisseurs concernant des tracteurs et des remorques loués à des voituriers-remorqueurs.
Les déboires de Celadon ont fait en sorte que la compagnie aurait perdu trois de ses plus gros clients récemment.
On a assisté à un vague de solidarité dans l’industrie, alors que des entreprises de camionnage, notamment C.A.T. et Transport Guilbault, ont offert aux camionneurs de Celadon et de Hyndman de les aider à revenir à la maison ou de travailler pour eux.
Ce n’est jamais une bonne nouvelle que de perdre son emploi, ce l’est encore moins dans les conditions que les routiers et routières de Celadon et de ses filiales ont dû subir, et à l’approche de la période des fêtes de surcroît. Je leur souhaite le meilleur pour la suite des choses.
Steve Bouchard
Rédacteur en chef, transportroutier.ca