Chauffeur inc.: les enquêtes n’ont pas assez de mordant, déplore l’opposition à Québec

Le dossier du stratagème d’évitement fiscal Chaffeur inc. n’est plus seulement entre les mains du gouvernement du Québec, l’opposition officielle en a aussi fait un cheval de bataille à l’Assemblée nationale.

Lorsque le ministre du Travail s’est prononcé sur la question et a fait un tour d’horizon de ce que le gouvernement Legault fait pour contrer ce phénomène qui engendre de la concurrence déloyale, il répondait à une question d’une députée du Parti libéral du Québec.

Cette députée s’appelle Madwa-Nika Cadet et est critique de l’opposition officielle en matière de Travail. Elle représente les électeurs de la circonscription de Bourassa-Sauvé, dans le nord Montréal.

Portrait de Madwa-Nika Cadet,porte-parole du Parti libéral du Québec en matière de Travail.
Madwa-Nika Cadet. (Photo : Maxime Rioux)

Elle a accordé une entrevue à Transport Routier afin de partager la vision qu’elle a du dossier Chauffeur inc. et de la manière dont il est géré par le gouvernement actuel.

D’entrée de jeu, l’avocate et spécialiste en politiques publiques dit que tous les dossiers qui touchent le milieu économique sont d’intérêt pour sa formation politique.

Elle dit avoir discuté du dossier Chauffeur inc. avec différents intervenants de l’industrie, dont Marc Cadieux, président-directeur général de l’Association du camionnage du Québec (ACQ).

« Quand on m’a interpellée sur le dossier Chauffeur inc., j’ai tout de suite vu qu’il y avait une composante économique dans ce dossier-là », explique Mme Cadet.

Elle ajoute avoir été interpellée non seulement à titre de députée, mais aussi à titre de contribuable qui sort perdante d’une situation où certains ne versent pas leur juste contribution à la société.

« Personne ne peut demeurer indifférent face à ce qu’on nous présente », lance la députée libérale.

Lorsqu’on lui demande si elle a été satisfaite des réponses de M. Boulet quant à ce que le gouvernement met de l’avant pour débusquer les délinquants du modèle Chauffeur Inc., elle prend un moment de réflexion.

Immobilisme

« J’ai surtout senti une certaine forme d’immobilisme de la part du gouvernement dans ce dossier-là », commence-t-elle.

« J’ai l’impression que si je n’avais pas posé ces questions-là lors de l’étude des crédits budgétaires, je ne pense pas qu’on nous aurait fait part de cette mobilisation dans le dossier Chauffeur inc. », ajoute la députée de l’opposition.

Là où Mme Cadet dit être entièrement d’accord avec le ministre Boulet, c’est lorsqu’il dit qu’une personne physique ne peut pas se déguiser en personne morale pour contourner la loi.

« Sur le principe, on est à la même place. »

Quant aux enquêtes menées par la CNESST, elle dit se questionner sur leurs impacts réels. « Manifestement, il n’y en a pas beaucoup des entreprises qui sont débusquées parce que l’effet n’est pas dissuasif. »

Elle plaide pour que des amendes soient imposées aux contrevenants.

« Un transporteur qui est fautif, qu’on voit bien le voile corporatif pour se dédouaner de ses obligations et faire fi avec mauvaise foi de ses différentes obligations, une fois que cette mauvaise foi-là est prouvée, c’est sûr qu’il faudrait des amendes », dit-elle.

Communications entre ministères

Tout comme le ministre Boulet, la députée Cadet est consciente que le dossier Chauffeur inc. touche plusieurs ministères, dont celui du Travail, des Transports et des Finances. Elle estime cependant qu’il pourrait y avoir une meilleure communication entre les différentes entités concernées.

« Parfois, une enquête dans l’un de de ces éléments peut révéler certaines irrégularités, mais il n’y aura pas nécessairement d’échange d’informations. Considérant la nature du phénomène et l’ampleur croissante du phénomène, je pense qu’il y aurait matière à voir à ce que chacun des ministères puisse collaborer et échanger un peu plus d’informations pour être capables d’avoir accès à des éléments qui mettraient la puce à l’oreille pour qu’on puisse débusquer parfois ces stratagèmes-là », opine la députée de Bourassa-Sauvé.

Accidents de travail et solidarité avec les transporteurs

L’absence de couverture de la CNESST pour les employés, déguisés en entrepreneurs par des employeurs sans scrupule qui ne cotisent pas, l’inquiète particulièrement.

« C’est important que, s’il arrive un accident de travail, tout soit mis en place pour bien protéger les travailleurs ici et, avec ce stratagème-là, ce n’est pas le cas. »

Lorsqu’on lui demande quel message elle a à transmettre aux transporteurs respectueux des lois qui subissent cette concurrence déloyale, la politicienne en elle refait rapidement surface.

« D’abord que le Parti libéral du Québec est avec eux », répond spontanément Mme Cadet.

Puis, elle tient à rassurer l’industrie.

« Je leur transmets le message qu’ils ne sont pas seuls. Que leur dossier peut parfois sembler obscur parce qu’on n’en entend pas souvent parler dans l’actualité mais qu’il s’agit d’un enjeu avec une certaine prépondérance pour notre formation politique. »

« On va continuer d’avoir des conversations avec le gouvernement qui est en place, de mon côté avec le ministre du Travail, pour nous assurer que ce dossier-là ne passe pas aux oubliettes. Ils [les transporteurs] ont des alliés. »

« Continuez d’être respectueux de la loi parce que ça en vaut la peine », conclut la porte-parole de l’opposition officielle en matière de Travail.

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