La transition énergétique, une question de complémentarité et de collaboration selon un panel d’AttriX
La transition énergétique du transport routier des marchandises ne passera pas par une seule source d’énergie. C’est un constat unanime qui est ressorti au sein d’un panel de discussion présenté lors de la conférence des utilisateurs annuelle d’AttriX Technologies. Quatre acteurs représentant les différents vecteurs du changement énergétique ont discuté du rôle que les carburants carboneutres pourraient s’implanter, le tout modéré par Steve Bouchard, rédacteur en chef de Transport Routier.

La pression des normes
Une des principales raisons de la course pour la transition énergétique, c’est le fait que les normes d’émissions deviennent de plus en plus strictes, faisant en sorte que les moteurs au diesel deviennent de plus en plus complexes.
«On utilise des technologies diesel qui sont assez complexes pour travailler dans un environnement de 200 mg NOx. Si on se projette un peu dans le futur, à partir de 2027, la norme sera de 35 mg. La technologie diesel, au fil du temps, va devoir se complexifier encore», a expliqué Marc-André Caza, directeur des ventes pour le marché routier au Québec chez Cummins Canada. «Tout ça fait en sorte que, lorsque l’on regarde les technologies alternatives d’aujourd’hui, il y a un certain sens à faire une transition.»
L’arrivée de ces normes met ainsi une forte pression sur l’industrie pour qu’elle se tourne vers des solutions moins polluantes.
«Aujourd’hui, on est dans une ère où tout est complètement différent. Avant, quand une réglementation était mise en place, on avait quelques années avant d’en avoir une plus restrictive. En 2024, on a vu l’arrivée de cinq réglementations en même temps», a indiqué Thierry Salem, directeur des ventes chez Globocam. «C’est donc important de faire une prise de conscience aujourd’hui, car il y a des choix à faire qui vont avoir des impacts sur les opérations de l’entreprise et la gestion de sa logistique.»
Planifier un préachat
En prévision de l’arrivée des nouvelles normes, de plus en plus de transporteurs se mettent à préacheter des camions.
«Le préachat, ça va avoir lieu et ça va créer une forte demande», a déclaré Thierry Salem. «Est-ce qu’on va pouvoir répondre à toute cette demande? Je ne sais pas et je vous dirais que ce sera difficile d’y répondre, car ce sera un peu comme lors de la pandémie, et on a souvent dit non.»
Il précise que, pour s’assurer de ne pas être submergé par la forte demande, il faut prévoir trois ans avant l’acquisition d’un véhicule.
Cummins offre une alternative au préachat. En effet, sa nouvelle plateforme agnostique indépendante permet d’offrir, en gardant la même base, plusieurs moteurs convenant à différents carburants, ce qui offre une standardisation aux flottes et leur permet de garder la même technologie pendant longtemps.
Pour Richard Prévost, représentant en gaz naturel comprimé chez EBI Énergie, «on peut courir pour préacheter des camions, ou on peut juste prendre une pause et se demander qu’est-ce qui se fait aujourd’hui et qui est disponible pour effectuer mon transport longue distance sans problèmes avec une technologie existante.»
Un écosystème propice
Pour réussir la transition énergétique, il faut que les différents carburants carboneutres puissent coexister dans un même écosystème.
«Chaque technologie va avoir sa place pour une application idéale», a affirmé Richard Prévost.
Il est aussi important pour l’ensemble de l’industrie de faire preuve d’ouverture et de collaboration pour créer cet environnement multi-énergétique.
«Les mots clés, c’est écosystème et collaboration», a déclaré Catherine Gosselin, experte en hydrogène et énergies alternatives chez Harnois Énergies. «Ça prend quelqu’un qui vend des camions, quelqu’un qui développe la technologie et quelqu’un qui veut mettre les stations sur la route pour que ça fonctionne. Il faut que l’on collabore, que l’on se parle et que l’on voie plus loin pour s’assurer que tout va arriver en même temps.»
Pas de transition sans infrastructures
L’utilisation de véhicules alimentés par autre chose que du diesel implique la disponibilité des carburants de remplacement. L’implantation de différentes infrastructures de recharge et de ravitaillement est un enjeu primordial pour réussir la transition énergétique.
Richard Prévost souligne que le gaz naturel est disponible sur le territoire et qu’on y trouve plusieurs stations de ravitaillement. C’est pareil pour les camions électriques à batterie.
C’est l’infrastructure de recharge de l’hydrogène qui posera le plus de soucis. En effet, contrairement aux autres carburants, il existe très peu de stations de ravitaillement pour les véhicules à l’hydrogène. De plus, pour que la transition soit efficace, le prix de la molécule doit être à moins de 10$ le kilo et, en ce moment, elle est à 18$. Il va donc y avoir un long développement pour la technologie.
«Il va y avoir beaucoup d’essais-erreurs pour commencer. On va essayer d’avoir peu d’erreurs et de beaux succès, mais il faut faire des démonstrations le plus tôt possible», a expliqué Catherine Gosselin.
Les défis de la transition
Peu importe le carburant, la transition énergétique ne se fera pas sans embûches. Les intervenants ont chacun fait part des principaux défis qui les attendent.
Pour Richard Prévost, il faut faire de l’éducation sur les avantages du gaz naturel.
Marc-André Caza pense quant à lui que le plus compliqué sera d’accepter qu’on devra se fier à plusieurs types d’énergies. «À force d’en parler, le message commence à passer. On espère que ça va continuer dans ce sens et que l’on va voir cette mixité énergétique au Canada.»
Catherine Gosselin soutient que l’absence d’un véritable réseau d’approvisionnement en d’hydrogène reste un obstacle pour le déploiement de l’énergie. «Ceux qui ont des camions le savent, il y en a un pour le gaz naturel, un pour l’électrique et un pour le diesel, mais si on continue d’avoir une seule station pour l’hydrogène, à Québec, ça ne marchera pas. Il faut avoir plusieurs stations.»
Thierry Salem considère que l’incertitude peut compliquer les choses. «La question qui revient souvent, c’est : est-ce que cette énergie sera encore là dans cinq à dix ans, est-ce que j’ai fait le bon choix? La réponse est oui. Tous les choix sont bons aujourd’hui», a-t-il confié. «Je pense que tout est en place pour commencer à réfléchir, à entreprendre cette réflexion à l’interne et se dire que le choix que l’on va faire, il sera supporté pour très longtemps.»
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